Rappels
La loi n°2020-734 du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, a instauré l’obligation de maintien de certaines garanties de protection sociale complémentaire pour les salariés placés en activité partielle ou activité partielle de longue durée. Initialement, cette obligation était applicable jusqu’au 30 juin 2021.
Une instruction ministérielle en date du 17 juin 2021 est venue pérenniser cette règle.
Désormais, les garanties des régimes santé et prévoyance doivent être maintenues par l’employeur aux salariés dont le contrat de travail est suspendu et qui perçoivent un revenu de remplacement (salariés placés en activité partielle ou en activité partielle de longue durée, salarié en congé de reclassement, congé de mobilité, etc.).
Les garanties de retraite supplémentaire ne sont quant à elle pas concernées par cette obligation de maintien.
Les entreprises doivent donc se conformer à cette nouvelle obligation et mettre à jour les actes fondateurs des régime santé et prévoyance, en parallèle de la mise en conformité de leur contrat collectif par l’organisme d’assurance.
Mise en conformité des décisions unilatérales avant le 1er juillet 2022
Des délais de mise en conformité ont été prévus par l’instruction ministérielle. Ils diffèrent selon la nature de l’acte fondateur du régime :
En l’absence de mise en conformité des actes fondateurs des régimes dans les délais impartis, le caractère collectif des garanties et l’exonération des charges sociales pourront être remis en cause.
En bref. La clause de non-concurrence post-contractuelle, est celle par laquelle une personne s’engage à ne pas exercer d’activité professionnelle susceptible de concurrencer celle de l’autre partie et ce postérieurement au terme du contrat qui les lie. Le recours à une telle clause est désormais de plus en plus courant et il est usuel de la voir intégrée dans un contrat de travail, dans des statuts ou dans un pacte d’associé.
Qu’en est-il toutefois lorsque l’actionnaire qui s’engage est également, en parallèle, salarié de l’entreprise ?
C’est à cette question qu’a récemment répondu la Cour d’Appel de PARIS, contribuant ainsi à conforter le courant jurisprudentiel qui s’était dégagé jusqu’alors (CA, Paris, 21 octobre 2021, n°18/21284).
« Dès lors que M. A... était également salarié de la société il convient de vérifier que la clause de non concurrence a bien une contrepartie financière. Sa qualité d'actionnaire n'est pas de nature à faire échapper la clause à cette exigence quand bien même les faits de concurrence déloyale évoqués par la société Ysance à l'appui de ses prétentions sont tous antérieurs à son départ de la société, tant en qualité de salarié que d'actionnaires et relèvent essentiellement d'une violation de son obligation de loyauté. »
Sur ce point, la Cour d’appel précise également que le fait de pouvoir acquérir des actions en cas de départ d’un coassocié et de bénéficier de l’augmentation de sa valeur constituent des avantages essentiellement liés à la qualité d’actionnaire et ne peuvent être qualifiés de contrepartie financière.
Autrement dit, la clause de non-concurrence, contenue dans un pacte d’actionnaire lequel n’a, par principe, vocation qu’à organiser et encadrer les relations entre associés, doit contenir une contrepartie financière réelle et significative dès lors que son signataire était également salarié de la Société qu’il s’est interdit de concurrencer.
Encore faudra-il que l’associé ait été salarié au jour de la souscription de son engagement de non-concurrence (Cass. Com, 8 octobre 2013, n°12-25.984 ; CA, Paris, 1er déc. 2020, n°19/00030)
En pratique. Une attention particulière devra donc être portée sur la rédaction d’un engagement de non-concurrence entre associés lequel ne peut pas, dans la mesure où l’intéressé serait déjà salarié de l’entreprise, contourner l’obligation de prévoir une contrepartie financière.
Ce d’autant plus si le pacte prévoit également un rachat forcé des actions sur le fondement d’une violation de ladite clause, au risque de voir prononcer un rétablissement de l’associé dans ses droits d’actionnaires.
Les ordonnances Macron, ainsi que les décisions judiciaires intervenues en France et à l’étranger concernant les plateformes de mise en relation type UBER, interrogent sur le point de savoir si ces modèles économiques doivent nécessairement être appréhendés sous le prisme du droit du travail.
Le débat de l’ubérisation face au droit du travail fait face à plusieurs difficultés, notamment :
Enfin, il faut rappeler qu’en droit Français, le lien de subordination juridique, qui est le critère déterminant du contrat de travail, est depuis longtemps plus intense que la situation de dépendance économique qui constitue un simple indice.
Si bien que, le constat selon lequel certains travailleurs indépendants se trouveraient sous la dépendance économique d’une plateforme numérique ou d’un donneur d’ordres, ne suffit pas à traiter la situation sous l’angle de la requalification en contrat de travail, mais pose plutôt la question de savoir de quelle protection sociale ces travailleurs pourraient–ils bénéficier ?
UBERISATION ET RISQUE DE REQUALIFICATION EN CONTRAT DE TRAVAIL
La requalification en contrat de travail est prononcée par les juges lorsqu’une prestation est exercée contre rémunération sous un lien de subordination juridique, c’est-à-dire « sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».
Le critère de subordination juridique a évolué, allant jusqu’à reconnaître la qualité de salariés aux participants d’émissions de télé-réalité (Ile de la tentation, Koh Lanta). La Cour de Cassation précisait alors que « Dès lors qu’elle est exécutée non pas à titre privé, mais dans un lien de subordination, pour le compte et dans l’intérêt d’un tiers, en vue de la production d’un bien ayant une valeur économique, l’activité, quelle qu’elle soit […] est une prestation de travail soumise au droit du travail ».
Il y a donc une évolution de la définition du contrat de travail pour tenir compte de la finalité économique de la prestation.
En outre, dans les arrêts récents concernant des travailleurs indépendants, le lien de subordination n’est pas tant dicté par l’exercice d’un pouvoir hiérarchique que par la faculté du donneur d’ordres de définir le cadre de travail et l’organisation dans lequel il doit s’inscrire. Si bien que la qualification de contrat de travail est désormais plus proche du service organisé dans lequel le travailleur est contraint de s’insérer, que d’une subordination pure et simple.
Ainsi, la finalité économique et la maîtrise des conditions d’exécution du travail semblent devenir le prisme de la requalification en contrat de travail et l’on pourrait craindre des requalifications en masse, que certains appellent d’ailleurs de leurs vœux.
Or, la question de la requalification en contrat de travail devrait rester un simple garde-fou permettant de redonner leur véritable sens à des relations qui ont été volontairement extraites du salariat, pour le contourner, sans faire de ce mécanisme un combat idéologique.
D’ailleurs, les décisions concernant des autoentrepreneurs, dont la relation a été requalifiée en contrat de travail, ne sont pas si nombreuses. S’agissant plus spécifiquement des plateformes de mise en relation, UBER a pu faire l’objet à l’étranger de requalifications (le 17 juin 2017 en Californie, le 28 octobre 2016 à Londres), tout comme ce fut le cas pour un chauffeur de la société Le Cab au mois de décembre 2016 en France. Mais d’autres décisions ont nié cette qualité, par exemple à un partenaire de la société Take Eat Easy (Cour d’Appel de PARIS le 20 avril 2017), ce qui a été confirmé récemment.
Comme par le passé, c’est un exercice pragmatique du cas par cas : en fonction des indices relevés, le juge requalifie ou non des situations qui de prime abord apparaissent pourtant proches.
Rien de plus normal au demeurant : la nécessité de protection n’est pas forcément la même pour un travailleur indépendant que pour un salarié, ni identique entre chacun des travailleurs indépendants ou chacune des entreprises de l’économie numérique.
VERS DES GARANTIES MINIMALES
Dès lors que la requalification doit uniquement rester un garde-fou, les travailleurs de l’économie numérique, à priori indépendants, ne doivent pas être systématiquement observés sous le prisme du droit du travail. En revanche, le développement de cette économie appelle à redéfinir la notion de travailleur, lequel n’est pas forcément salarié, mais peut en revanche avoir besoin de mécanismes de protections collective (par exemple en raison d’une certaine dépendance économique, etc.).
Il a ainsi été proposé de créer un « droit de l’activité professionnelle dépassant celui du travail et matérialisant un socle de droits fondamentaux applicable à tous les travailleurs, les différences de niveau de protection au-delà venant du degré d’autonomie » (Jacques Barthélémy et Gilbert). Monsieur SUPIOT a pour sa part formé une proposition à l’image de cercles concentriques, en fonction du degré de protection accordé au travailleur, la protection ultime étant celle du salariat.
La création du compte personnel d’activité s’inscrit dans ce mouvement, tout comme la responsabilité sociale des plateformes créée par la Loi El Khomri (Article L 7341-1 et suivants du Code du Travail) qui créée des droits pour les travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique et des obligations pendantes pour lesdites plateformes.
En créant un régime spécifique, la volonté du législateur est clairement d’éloigner cette relation de la tentative de vouloir systématiquement lui appliquer le prisme salarial, pour affirmer son autonomie, son existence à part entière et pour ne réserver l’application du droit du travail qu’aux seuls cas de requalifications, c’est-à-dire de contournement. Bref, c’est l’office du Juge qui s’en trouve renforcé et c’est aussi une certaine justice sociale.
La suppression du RSI au profit du régime général participera peut-être de cette tendance.
Un équilibre peut donc être trouvé et le défi posé par l’ubérisation n’est donc pas tant la remise en cause du droit du travail, qu’une réflexion sur les modes de travail et la protection sociale des travailleurs salariés ou non-salariés. Il faut espérer qu’une réflexion globale et cohérente interviendra pour éviter un millefeuille de mesurettes.
Cet article a été rédigé en tant que membre de la Commission Droit Social du Barreau de Lyon.
Un « condensé » de cet article a été publié dans l’hebdomadaire LE TOUT LYON, n° 5278, du 7 octobre 2017
http://www.delmas-flicoteaux.com/item/26-le-droit-du-travail-doit-il-evoluer-face-a-l-uberisation
Cass. Soc. 15 mai 2019, n°17-20.615
EXPOSE DES FAITS
Un salarié, embauché le 1er octobre 2010, en qualité de Directeur Général, Statut Cadre dirigeant, et rattaché hiérarchiquement directement au PDG de l’entreprise, est licencié le 6 décembre 2011 pour faute grave.
En substance, le salarié se voyait reprocher des divergences fréquentes et affichées sur les enjeux stratégiques, un dénigrement public de la direction, tout particulièrement dans le cadre d’un document de travail remis à un consultant extérieur, et dont il découlait pour la société une déloyauté, perte de confiance et intention de nuire. La société mettait notamment en exergue les fonctions et la position particulière du salarié, qui se devait donc d’être le soutien et le relais de la direction et de mettre en œuvre la politique définie par celle-ci. En tant que membre du comité de direction, il se trouvait astreint à une obligation de loyauté renforcée.
Le salarié estimait pour sa part n’avoir fait qu’usage que de sa liberté d’expression, en dehors de tout exercice abusif, n’ayant notamment jamais diffusé un certain nombre des documents trouvés dans son ordinateur et sur lesquels l’employeur se fondait.
Par jugement du Conseil de prud’hommes de Lyon du 17 décembre 2015, confirmé par la Cour d’appel de Lyon dans un arrêt du 5 mai 2017, les juges du fonds retiennent le bien fondé du licenciement du salarié, relevant le caractère public et excessif de l’expression de ses divergences de vues avec son PDG.
Ce raisonnement n’est pas suivi par la Cour de Cassation, qui dans un arrêt du 15 mai 2019, casse l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon au motif que « le document remis par le salarié au consultant, qui était chargé de mener une réflexion sur la stratégie du groupe et d'interroger les cadres, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, et que les autres documents retrouvés dans l'ordinateur n'avaient pas fait l'objet d'une diffusion publique ».
OBSERVATIONS
L’arrêt commenté est intéressant en ce qu’il pose une nouvelle fois la question de l’obligation de réserve des cadres dirigeants. La nature de leur fonction et la protection des intérêts légitimes de l’entreprise justifient-elles une restriction apportée à leur liberté d’expression, au sens de l’article L 1121-1 du Code du travail ?
Les cadres de direction, à l’instar de tout salarié, bénéficient, dans et hors de l’entreprise, d’une liberté d’expression qui ne trouve sa limite que dans l’abus (Cass. Soc. 29 nov. 2006, n°04.48-012). De jurisprudence constante, l’abus est caractérisé lorsque les termes utilisés par le salarié sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. En pratique, les juges se livrent à une appréciation au cas par cas, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leur degré de diffusion, de la nature de l’activité de l’entreprise mais également des fonctions occupées par le salarié.
Ainsi, la jurisprudence se montre-t-elle par principe plus sévère à l’égard des cadres que des autres collaborateurs. Pour autant, de l’examen de la jurisprudence, il est difficile de définir une véritable ligne de conduite en la matière.
S’il est fort compréhensible que, au regard du pouvoir de nuisance de leurs propos sur leur efficacité et l’image de l’entreprise, les directions attendent de leurs équipes dirigeantes, dont elles sont le reflet, qu’elles portent leur politique et leur ligne stratégique, tant en interne qu’en externe, la jurisprudence, éloignée de cette contrainte, tend au contraire à protéger en premier lieu la liberté de tout salarié à s’exprimer sur les choix stratégiques de leur entreprise et à dénoncer tout éventuel dysfonctionnement.
Ainsi, l’arrêt du 15 mai 2019 s’inscrit-il dans la ligne de précédents arrêt rendus par la Cour de Cassation (Cass. Soc. 27 mars 2013, n°11-19.734 ; Cass. Soc. 23 septembre 2015, n°14-14.021), et dans le cadre desquels la haute juridiction avait déjà refusé de valider le licenciement de cadres en l’absence de caractérisation par l’employeur de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, nonobstant le fondement tenant au manquement à l’obligation de loyauté sur lequel celui-ci avait tenté de se placer. C’est ce même terrain et celui du dénigrement qui sont ici écartés par la Cour, au profit de la liberté fondamentale d’expression du salarié.
Les entreprises disposent-elles alors de moyens juridiques pour se prémunir des débordements de leurs cadres qui, s’ils ne sont pas abusifs au sens de la jurisprudence, sont véritablement susceptibles de leur nuire ? La question reste entière.
L’arrêt commenté présente un second intérêt, soulevé dans le second moyen au pourvoi principal du salarié.
En application de son contrat de travail, le salarié pouvait prétendre, à une rémunération variable, déterminée en fonction notamment d’objectifs personnels fixés au début de chaque année par la direction. Or, lorsque le salarié était licencié en décembre 2011, aucun objectif précis ne lui avait été fixé à cette date.
Constatant ce manquement par la société à son obligation contractuelle, le Conseil de prud’hommes de Lyon, dans un raisonnement inédit, et suivi en cela par la Cour d’appel de Lyon, octroie alors au salarié une somme, à titre de dommages et intérêts, en raison du préjudice qu’il subissait du fait de la perte de chance pour lui d’améliorer sa rémunération.
Dans son arrêt du 15 mai 2019, la Cour de Cassation, appliquant sa jurisprudence constante, casse l’arrêt d’appel sur ce point, en retenant que, en l’absence de fixation des objectifs, il appartenait au juge de fixer le montant de la rémunération variable en fonction des critères visés au contrat et des accords intervenus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause. Il s’agissait alors bien pour le salarié d’un rappel de rémunération due, et non de l’indemnisation d’un préjudice.
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave, l'arrêt retient qu'à compter du mois de mars 2011, il apparaît que le salarié a, lors des comités de direction et des comités exécutifs auxquels il participait, affiché une divergence fréquente avec les enjeux stratégiques, que cette position affichée de divergence est ainsi exprimée dans un document de travail que le salarié a remis au consultant désigné par la direction pour mener un séminaire de réflexion stratégique et qui a, dans ce cadre, interviewé les cadres de la société, que l'attestation du consultant confirme que ce document, remis par le salarié spontanément, expose de manière très nette la position négative de ce dernier sur la stratégie menée, qu'il devait pourtant soutenir de par ses fonctions, ainsi que les termes excessifs tenus à l'encontre du PDG en ces termes « Un PDG en mode panique », « une équipe de direction qui ne comprend plus son PDG », qu'il importe peu que le consultant ait été ou non tenu à la confidentialité, qu'il n'en reste pas moins qu'en lui remettant ce document de travail, le salarié a exprimé publiquement et de manière excessive ses divergences avec son PDG alors qu'il était pourtant tenu à son endroit à une obligation de loyauté, que si les autres documents retrouvés dans son ordinateur et allégués par l'employeur à l'appui de la mesure de licenciement n'ont pas fait l'objet de diffusion publique, tel le projet de mail à un actionnaire de la société Eurocave (société Qualis) ou la lettre anonyme dans laquelle le salarié, se présentant comme un employé de la société, critique les décisions prises par la direction, indiquant en outre qu'elles sont contraires à l'opinion de « plusieurs personnes de la direction » ou encore le courriel adressé à Mme G..., dans laquelle il indique que le PDG « est visiblement reparti sur une paranoïa aigüe », il n'en reste pas moins que ces écrits, dont le salarié ne nie pas être l'auteur, confirment clairement sa divergence profonde envers sa direction, que sur ce point, les attestations produites par le salarié et émanant de plusieurs collègues, membres ou non du comité exécutif ne permettent pas de retenir que les divergences exprimées n'avaient pas de caractère excessif, que s'agissant des propos dénigrants envers le PDG, l'employeur produit la seule attestation du consultant qui rapporte que le salarié a tenu des propos virulents à l'encontre du PDG fin novembre 2011, que toutefois ces propos dont la teneur exacte n'est pas rapportée ont été tenus alors que la procédure de licenciement avait été lancée et ne peuvent donc être invoqués comme cause de celui-ci, qu'il résulte des éléments produits aux débats que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était bien fondé sur une faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le document remis par le salarié au consultant, qui était chargé de mener une réflexion sur la stratégie du groupe et d'interroger les cadres, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, et que les autres documents retrouvés dans l'ordinateur n'avaient pas fait l'objet d'une diffusion publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »
« Attendu que pour condamner la société à payer au salarié une certaine somme à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rémunération variable pour 2011, l'arrêt retient que début janvier 2011, l'employeur a fait connaître à l'ensemble des cadres des objectifs à atteindre à laquelle était annexé un tableau reprenant les objectifs individuels et indiquant qu'il convenait d'en discuter afin d'affiner les chiffres, que si aucun document ne permet de confirmer que le salarié a validé ces chiffres, il n'apparaît pas qu'il les ait contestés, qu'ayant été licencié début décembre 2011 il aurait donc dû à cette date connaître les éléments chiffrés concernant l'EBIT comme les objectifs atteints aux fins que soit calculée la prime d'objectifs à laquelle il a contractuellement droit, qu'en ne le faisant pas, et sans pouvoir lui reprocher sa carence dans l'administration de la preuve alors qu'il s'agit d'éléments comptables qu'elle seule détient, la société a manqué à son obligation contractuellement prévue et a privé le salarié d'une chance d'améliorer sa rémunération, lui causant ainsi un préjudice certain qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 17 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de fixation des objectifs, il lui appartenait de fixer le montant de la rémunération variable pour l'exercice 2011 en fonction des critères visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »
Cass. Soc. 15 mai 2019, n°17-20.615
Claire BUFFIN-CHAMPIN & Sylvain FLICOTEAUX
SELARL DELMAS FLICOTEAUX
Cour d’appel de Lyon, Aff. Sécurité Sociale, arrêt du 11 décembre 2018
EXPOSE DES FAITS
Un salarié, technicien d’atelier au sein d’une société spécialisée dans la fabrication de nacelles élévatrices, est victime, le 11 décembre 2013 à 8h, sur son lieu de travail de violents maux de tête, suivi d’un malaise. Immédiatement évacué par le SAMU et hospitalisé, il décèdera quelques semaines plus tard des suites d’un accident vasculaire cérébral.
Le 13 décembre 2013, la société effectue une déclaration d’accident du travail, assortie de réserves quant à l’origine de cet accident.
Après enquête administrative, la CPAM de la Loire notifie à la société, par courrier du 13 mars 2014 la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle puis, par courrier du 23 avril 2014, celle du décès du salarié.
Saisi par la société, le TASS de Saint Etienne confirme, par jugement du 7 juillet 2017, la décision de la commission de recours amiable déclarant bien fondées les décisions de prise en charge prises par la CPAM de la Loire.
La société ayant alors interjeté appel de cette décision, la Cour d’appel de Lyon se livre, dans un arrêt du 11 décembre 2018, à une lecture qui nous paraît intéressante mais inédite de l’article L 411-1 du Code de la Sécurité Sociale, définissant les éléments constitutifs de l’accident du travail.
OBSERVATIONS
Aux termes de l’article L 411-1 du Code de la Sécurité Sociale, « est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. »
A la lecture de cet article, l’accident du travail suppose donc la réunion de trois éléments : un fait accidentel, évènement ou série d’évènements survenus à une date certaine ; par le fait ou à l’occasion du travail ; dont il est résulté une lésion physique ou psychique.
L’accident ainsi survenu au temps et au lieu de travail bénéficie d’une présomption d’imputabilité de l’accident au travail. Celle-ci ne peut être combattue que par la démonstration soit du fait que, au moment de l’accident, le salarié n’était pas sous l’autorité de l’employeur, soit du fait que la lésion a une cause totalement étrangère au travail.
C’est sur ce dernier terrain que se plaçait la société afin de tenter de faire échec à la présomption d’imputabilité. Elle faisait notamment valoir que la formation d’un anévrisme constitue nécessairement un état pathologique préexistant étranger au travail. L’enquête réalisée par le CHSCT ayant en outre mis en évidence que le malaise du salarié était survenu alors qu’il se trouvait en situation de travail normale, n’impliquant notamment aucun effort particulier, changement de rythme, stress, choc ou évènement brutal.
La CPAM relevait quant à elle que la société n’apportait pas la preuve d’une cause étrangère au travail.
Se plaçant sous un angle totalement différent, la Cour d’appel de Lyon relève que le malaise subi par le salarié ne constitue pas le fait accidentel, générateur de la lésion constatée, mais la lésion elle-même.
Inversant en conséquence la charge de la preuve, elle considère ainsi que la matérialité de l’accident, à savoir le fait générateur à l’origine du malaise, n’est pas établi par la caisse. Elle relève au contraire que le salarié n’était pas dans une situation de stress et qu’aucun évènement ou incident particulier antérieur et extérieur n’était susceptible d’expliquer la survenance du malaise. En outre aucun élément médical permettant d’établir le lien entre cette lésion et le travail n’était versé au débat.
Dans ces conditions, la Cour déclare les décisions de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la CPAM de la Loire inopposables à la société.
Le raisonnement opéré ici par la Cour d’appel de Lyon a de quoi surprendre en ce qu’il est en parfaite opposition avec la jurisprudence constante de la Cour de Cassation.
A suivre ce raisonnement, il devrait être nécessairement établi un fait accidentel, générateur de la lésion, extérieur à la victime. De fait, les accidents matérialisés par un seul malaise ou l’apparition d’une douleur, en dehors de toute circonstance de travail anormale (chaleur, froid, situation de stress, geste ou posture particulière, etc.), ne pourraient être retenus au titre de la législation sur les accidents du travail et bénéficier de la présomption d’imputabilité.
Telle n’est pourtant pas la position tenue par la Cour de Cassation, qui admet, de jurisprudence constante, l'application de la présomption d'imputabilité en cas d’accident manifesté par l’apparition soudaine d’une douleur au temps et au lieu de travail.
Ainsi, elle a pu considérer que, pour détruire la présomption d’imputabilité attachée au décès d’un salarié consécutif au malaise dont il avait été victime pendant son temps de travail et sur son lieu de travail, il n’était pas suffisant de faire valoir que les fonctions du salarié ne l’exposaient à aucun risque particulier, que ses conditions de travail étaient normales et qu’il ne présentait pas de stress particulier dû à son emploi ou encore qu’aucune anomalie quelconque n’avait été relevée le jour du décès. Seule la démonstration d’une cause au malaise totalement étrangère au travail était de nature à écarter la présomption. (Cass. Civ. 2e, 11 octobre 2006, n°04-30.878).
De même, dans un arrêt récent, elle retient encore que le malaise cardiaque survenu au temps et au lieu de travail et sous l'autorité de l'employeur bénéficie de la présomption d'imputabilité au travail. Peu important que le salarié ait ressenti des symptômes préalables pendant le trajet entre son domicile et son lieu de travail, et que ce malaise ait eu lieu dans la salle de pause, vers laquelle le salarié s’était immédiatement dirigé après avoir pointé pour sa prise de poste, de sorte qu’il n’avait pas effectivement commencé à travailler (Cass. 2e civ., 29 mai 2019 n° 18-16.183).
Pour la Cour de Cassation, il ne fait donc aucun doute qu’un malaise soudain, survenu au temps et au lieu de travail, entre bien dans les prescriptions de l’article L 411-1 du code de la sécurité sociale.
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Le malaise subi par Monsieur G… sur son lieu de travail est une lésion au sens du texte précité et ne doit pas être confondu avec la notion de fait accidentel dans laquelle il doit trouver son origine pour bénéficier de la présomption d’imputabilité.
La caisse primaire d’assurance maladie à qui incombe la charge de la preuve sur ce point ne démontre pas l’existence d’un fait accidentel antérieur en lien avec ce malaise puisqu’il est constant que le salarié n’était pas dans une situation de stress lorsqu’il a été pris d’un violent mal de tête, dès lors qu’il avait pris son service une heure auparavant et qu’aucun incident ou évènement particulier extérieur n’était susceptible d’en expliquer la survenance. Aucun élèment médical n’est versé aux débats faisant un lien avec les ruptures d’anévrisme subies par Monsieur G… et le travail.
Dans ces conditions, la SA HAULOTTE GROUP est fondée à solliciter l’inopposabilité à son encontre de la prise en charge de l’accident et l’imputabilité du décès. »
Cour d’appel de Lyon, Aff. Sécurité Sociale, arrêt du 11 décembre 2018
Claire BUFFIN-CHAMPIN & Sylvain FLICOTEAUX
SELARL DELMAS FLICOTEAUX
Cour d’appel de Grenoble, Ch. Sociale Section B, n° 17/03037, arrêt du 19 septembre 2019
EXPOSE DES FAITS
Suite à son départ à la retraite intervenu le 1er novembre 2014, un salarié engagé en qualité de Directeur de département Syndic d’une société immobilière, soumis à une clause de non-concurrence, est engagé par une société concurrente à compter du 1er décembre 2014 en qualité de Chargé d’étude en activité immobilière. Il fait notamment valoir que s’il est engagé par une société qui est géographiquement dans le périmètre de la clause, il aurait été affecté dans un établissement en dehors de ce périmètre.
Le 30 mars 2016, son ancien employeur engage une action devant le Tribunal de commerce sur le terrain de la concurrence déloyale.
Immédiatement, le salarié saisi le Conseil de prud’hommes et fait valoir d’une part que la clause de non-concurrence ne lui serait pas opposable en ce que son précédent employeur n’avait jamais versé la contrepartie financière stipulée par la clause, et d’autre part que cette clause serait en tout état de cause nulle au regard du caractère dérisoire de cette contrepartie financière.
Par jugement en date du 8 juin 2017, le Conseil de prud’hommes déboute le salarié en retenant que celui-ci n’ayant pas respecté la clause de non-concurrence, l’employeur n’était pas tenu de verser la contrepartie financière, et en jugeant que la nullité n’était pas encourue.
Au terme de son arrêt du 19 septembre 2019, la Cour d’appel de GRENOBLE confirme intégralement cette appréciation et confirme également la condamnation du salarié à verser à son précédent employeur la clause pénale dont le montant est minoré par les juges.
OBSERVATIONS
Bien qu’un certain nombre d’éléments factuels ne soient pas explicités, cet arrêt est triplement instructif en ce qu’il se positionne sur plusieurs questions, souvent sujettes à contentieux, et dont l’appréciation est délicate à anticiper dès lors qu’elles dépendent – au moins en partie – d’une appréciation souveraine des juges du fond.
En premier lieu, la Cour constate que, certes l’employeur n’avait pas versé la contrepartie financière, mais elle rappelle immédiatement que le salarié avait violé la clause de non concurrence dès le 1er décembre 2014, soit un mois après la rupture de son contrat de travail, si bien que l’employeur était délié de son obligation de versement.
Cette appréciation apparaît logique dès lors que l’employeur ne peut certes pas présumer ou anticiper la violation de la clause de non-concurrence, en ne versant pas unilatéralement la contrepartie financière, mais cette contrepartie est souvent versée mensuellement aux mêmes dates que les salaires. Dès lors, le 1er décembre 2014, la première mensualité n’avait pas encore été versée et il pouvait être constaté que le salarié avait enfreint la clause avant même le premier versement.
En tout état de cause, cette appréciation apparaît cohérente avec la notion de loyauté contractuelle.
En second lieu, l’arrêt est plus surprenant en ce qu’il entérine la contrepartie financière dont il pouvait légitimement être craint qu’elle puisse être considérée comme dérisoire au regard des positions adoptées en la matière par la Cour de cassation.
En l’espèce, la clause stipulait une contrepartie financière d’un montant de 10% de la rémunération de référence en cas de rupture à l’initiative de l’employeur, mais de réduite à 5 % en cas de rupture à l’initiative du salarié.
La Cour, après avoir examiné et validé les autres conditions de validité de la clause, juge d’abord que la minoration de cette contrepartie financière en cas de rupture à l’initiative du salarié doit être réputée non-écrite, si bien que la salarié pouvait revendiquer le montant « normal » de 10 % mais elle juge ensuite – ce qui est plus instructif – d’une part que ce montant n’était pas dérisoire et d’autre part que le salarié pouvait revendiquer les termes plus favorables de la convention collective qui prévoyait un montant de 15 % de la rémunération de référence.
Le caractère non dérisoire du montant de 10% n’était pas évident et il est fort à parier que nombre de praticien ne l’aurait pas jugé suffisant, mais la Cour se livre à une analyse de ce seuil au regard de la durée, de l’étendue de la clause, et de l’atteinte effective portée par cette clause à la liberté de travailler.
Il est en effet vrai que la contrepartie financière n’est que la compensation de l’atteinte à la liberté de travailler et donc – en théorie – une appréciation de proportionnalité au cas par cas.
La Cour n’aurait-elle pas là aussi été guidée par des considérations de loyauté contractuelle et, en tous les cas, à une analyse très civiliste des termes contractuels ?
En dernier lieu, la Cour confirme la très importante réduction du quantum de la clause pénale (de 61.055 € à 1.000 €), ce qui constitue une application classique du pouvoir modérateur du juge. Pour ce faire, elle se fonde sur la spécificité de l’activité et la seule réalité du préjudice causé au créancier.
Il est dommage que les éléments ayant conduit à ces appréciations ne soient pas plus détaillés sur ces deux derniers aspects, mais cet arrêt a le mérite de rappeler qu’en matière de clause de non-concurrence, rien n’est écrit d’avance. Attention donc – même si la clause n’est pas nulle – à ses effets tant pour le salarié en termes de contrepartie, que pour l’employeur en termes d’indemnisation.
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Que la contravention par …. Aux termes de la clause de non-concurrence à laquelle il était soumis, ainsi caractérisée, dès les semaines suivant la rupture de son contrat de travail, a délié la SAS … de son obligations réciproque de lui verser la contrepartie pécuniaire prévue à ce titre ; »
« Qu’il convient toutefois de rappeler que doit être réputée non écrite la minoration par les parties, dans le cas d’un mode déterminé de rupture du contrat, de la contrepartie pécuniaire d’une clause de non-concurrence, de sorte que …. Pouvait prétendre à une contrepartie financière d’un montant égale à 10% de sa rémunération de référence »
« Qu’au regard de l’étendue du périmètre géographique, de la durée de l’obligation de non-concurrence fait à …., et de l’atteinte effective à la liberté de travailler de l’intéressé, il convient de considérer que la contrepartie financière à laquelle l’intéressé pouvait prétendre n’était pas dérisoire ; »
« c’est à bon droit que les premiers juges, faisant usage de la faculté qui leur était reconnue par l’article 1152 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction alors applicable, ont retenu que le montant des indemnités résultant de la clause pénale apparaissait excessif au regard des spécificités de l’activité exercée et du seul préjudice dont l’employeur démontrait la réalité ».
Cour d’appel de Grenoble, Ch. Sociale Section B, arrêt du 19 septembre 2019, RG 17/03037
Claire BUFFIN-CHAMPIN & Sylvain FLICOTEAUX
SELARL DELMAS FLICOTEAUX
Cour d’appel de Grenoble, Ch. Sociale, arrêt du 25 juin 2019
EXPOSE DES FAITS
Suite à son licenciement pour motif personnel intervenu le 16 mars 2015, une salariée, employée en qualité d’assistante service ressources humaines, signe le 30 mars 2015 un accord transactionnel avec son ancien employeur.a
Le 27 juillet 2016, la salariée saisit le Conseil de Prud’hommes de Valence d’une demande de paiement de la contrepartie financière à la clause de non concurrence qui était prévue à son contrat de travail, en application des dispositions de la Convention Collective de la Métallurgie.
Faisant droit à l’argumentation de la société, le Conseil de Prud’hommes, par jugement du 13 septembre 2017, déboute la salariée de l’ensemble de ses demandes.
Sur un appel interjeté par la salariée, la Cour d’Appel de Grenoble se livre, dans un arrêt du 25 juin 2019, à une lecture restrictive des termes de la transaction conclue entre les parties, lecture qui semble à contre-courant de l’évolution marquée ces dernières années par la jurisprudence de la Cour de Cassation sur la portée des accords transactionnels rédigés en des termes généraux.
OBSERVATIONS
Aux termes des articles 2048 et 2049 du Code civil :
« Les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s'entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu. »
« Les transactions ne règlent que les différends qui s'y trouvent compris, soit que les parties aient manifesté leur intention par des expressions spéciales ou générales, soit que l'on reconnaisse cette intention par une suite nécessaire de ce qui est exprimé. »
Sur le fondement de ces principes, et au terme d’une jurisprudence fluctuante, la chambre sociale de la Cour de Cassation retenait de manière constante une « conception restrictive » de la portée des transactions.
Ainsi, les obligations ayant vocation à s’appliquer postérieurement à la rupture du contrat de travail n’étaient pas, par principe et sauf disposition expresse contraire, comprises dans l’objet de la transaction. Tel était tout particulièrement le cas de la clause de non concurrence. Lorsque l’accord transactionnel ne comportait aucune disposition emportant renonciation à la clause et à sa contrepartie financière, celle-ci n’était pas considérée comme entrant dans l’objet de la transaction (Cass. Soc, 6 mai 1998, n°96-40.234 ; Cass. Soc. 1er mars 2000, n°97-43.471 ; Cass. Soc. 24 janvier 2007, n°05-43.868)
Opérant un nouveau revirement dans sa jurisprudence, amorcé dans un arrêt 5 novembre 2014, puis confirmé dans un arrêt du 11 janvier 2017, la chambre sociale de la Cour de Cassation, s’alignant sur la position de l’Assemblée plénière, semble désormais donner plein effet aux accords transactionnels rédigés en des termes généraux (Cass. ass. plén., 4 juill. 1997, n°93-43.375 ; Cass. Soc., 5 novembre 2014, n°13-18.984 ; Cass. Soc., 11 janvier 2017, n°15-20.040).
Dès lors, l’accord selon lequel le salarié se déclare « être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun chef de grief quelconque à l'encontre de la société du fait de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail », donne à la renonciation du salarié une portée générale. Toute action en justice ultérieure liée à l’exécution ou la rupture du contrat est alors irrecevable, y compris pour des questions non expressément visées par l’accord, et ce quand bien même il s’agirait de droits futurs.
Tel était le cas dans l’espèce précitée d’une demande d’indemnisation d’un préjudice d’anxiété lié à l’exposition du salarié à l’amiante, préjudice pourtant inconnu lors de la conclusion de l’accord (Cass. Soc., 11 janvier 2017, n°15-20.040).
De même, un salarié ne peut pas plus valablement solliciter le versement de sommes liées à une retraite supplémentaires, dont la mise en œuvre ne devait pourtant intervenir que plusieurs années après la signature de l’accord (Cass. Soc., 30 mai 2018, n°16-25.426).
Encore récemment, la Cour de Cassation a adopté une position similaire à l’égard d’obligations ayant vocation à s’appliquer postérieurement à la rupture, y compris lorsque les droits du salarié ne sont qu’éventuels, comme en l’espèce l’obligation de réembauchage (Cass. Soc., 20 février 2019, n°17-19.676).
Dans son arrêt du 25 juin 2019, bien qu’ayant au préalable relevé que, par le biais de la transaction, la salariée se déclarait remplie de tous ses droits, et renonçait expressément à toute prétention, réclamation, action ou instance de quelque nature qu’elle soit pouvant avoir pour cause, conséquence ou objet, directement ou indirectement, l’exécution ou la cessation des fonctions qu’elle a exercées au sein de la société ou du groupe, la Cour d’Appel de Grenoble s’attache pourtant exclusivement au fait que transaction ne comportait aucune mention dont il résulterait que les parties aient entendu régler la question de l’indemnité liée à la clause de non concurrence, dont il n’était par ailleurs pas justifié que la société ait expressément fait valoir, à l’occasion du licenciement ou postérieurement à celui-ci, sa décision de procéder à sa levée. Dans ce contexte, la Cour d’Appel juge que l’employeur ne peut se prévaloir de l’autorité de la chose jugée attachée à l’accord transactionnel pour s’opposer à la demande de versement de l’indemnité de non concurrence par la salariée.
Bien que conforme à la jurisprudence « classique » relative à la portée de la transaction sur la clause de non concurrence, la position de la Cour d’Appel de Grenoble n’allait pas de soit au regard de la nouvelle approche « extensive » de la chambre sociale de la Cour de Cassation sur la portée des accords transactionnels. Reste donc à voir si la Haute Cour adaptera également son approche au cas particulier de la clause de non concurrence, problématique récurrente dans le règlement des litiges post rupture du contrat de travail.
En marge de cette question, l’arrêt de la Cour d’Appel de Grenoble apporte une précision intéressante sur la notion de « nouvel emploi » au sens de la Convention Collective de la Métallurgie.
Selon ces dispositions, « en cas de licenciement non provoqué par une faute grave, cette indemnité mensuelle est portée à 6/10e de cette moyenne [moyenne mensuelle des rémunérations perçues au cours des 12 derniers mois] tant que l’intéressé n’a pas retrouvé un nouvel emploi et dans la limite de la durée de non-concurrence. » (Art. 10, Accords Nationaux Métallurgie)
Sur ce point, la cour d’Appel de Grenoble considère que ces dispositions ne sauraient être lues comme renvoyant en elle-même à la seule hypothèse d’absence d’emploi salarié. Dès lors, une activité indépendante, comme en l’espèce de consultante, entre bien dans le champ de ces dispositions, empêchant la salariée de revendiquer le bénéfice de l’indemnité de non concurrence majorée.
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Il n’est pas justifié par la société MXXX qu’elle a expressément levé la clause den non concurrence prévue au contrat de travail tant à l’occasion du licenciement que postérieurement à ce dernier. Par ailleurs, la transaction litigieuse ne comprend aucune mention dont il résultait que les parties au protocole ont entendu régler la question de l’indemnité de non-concurrence due à Madame DXXX. La société MXXX ne peut en conséquence exciper de l’autorité de la chose jugée s’attachant au protocole transactionnel du 30 mars 2015 pour s’opposer à la demande en paiement formée par Madame DXXX. Celle-ci est en conséquence fondée à en réclamer le versement.
Il ne ressort pas de la rédaction de la clause de non-concurrence litigieuse, selon laquelle l’indemnité de non –concurrence serait majorée tant que Madame DXXX n’aurait retrouvé un nouvel emploi dans la limite de durée de non concurrence, que les parties ont entendu limiter cette majoration qu’à la seule hypothèse d’absence d’emploi salariée. Il ressort du compte Linkedin de Madame DXXX qu’elle a développé une activité de consultante dans le délai prévu par la clause de non concurrence. La société MXXX est en conséquence fondée à soutenir subsidiairement que Madame DXXX ne peut prétendre qu’au paiement de l’indemnité de non-concurrence de base et non de l’indemnité de non-concurrence majorée.»
Cour d’appel de Grenoble, Ch. Sociale, arrêt du 25 juin 2019, RG 17/4570
Claire BUFFIN-CHAMPIN & Sylvain FLICOTEAUX
SELARL DELMAS FLICOTEAUX