đđ đ đđŹđđąđšđ§ đđđŹ đŁđšđźđ«đŹ đđÌđ«đąđÌđŹ đŹ'đđ§đđąđđąđ©đ,
Notre conseil :
đđ DĂ©terminer et communiquer les jours fĂ©riĂ©s dans l'entreprise
đđą Informer les salariĂ©s des modalitĂ©s de rĂ©munĂ©ration et de rĂ©cupĂ©ration des jours fĂ©riĂ©s
đđConsulter les dispositions conventionnelles, locales et la rĂšglementation spĂ©cifique applicables
Au regard de la récente actualité en droit social, nous vous proposons de faire le point sur les rÚgles applicables en matiÚre d'acquisition et de prise des congés payés.
LâĂ©quipe QuintĂšs Social est heureuse de vous partager son interview parue dans le SupplĂ©ment Droit Social du magazine de lâANDRH !
Publi-interview parue dans le magazine de lâANDRH
Entrée en vigueur au 1er mai 2023
Lâavenant n°46 du 16 juillet 2021 (et ses 3 avenants) Ă la Convention Collective applicable aux salariĂ©s des Bureaux d'Ătudes Techniques, des Cabinets d'IngĂ©nieurs-Conseils et des SociĂ©tĂ©s de Conseils (IDCC n°1486) est entrĂ© en vigueur le 1er mai 2023, suite Ă la publication de son arrĂȘtĂ© dâextension du 5 avril 2023 au JORF du 28 avril 2023.
Pour mémoire, cet avenant opÚre une refonte globale de la Convention Collective, avec une reformulation et une réorganisation du texte, qui passe ainsi de 84 à 69 articles répartis en 13 titres thématiques.
Par ces avenants, les partenaires sociaux ont souhaité réaliser un toilettage et une mise à jour complÚte de la Convention Collective, pour davantage de cohérence, de simplicité et de lisibilité du texte.
Si cette mise Ă jour sâopĂšre pour lâessentiel à « droit constant », certains dispositifs conventionnels se trouvent toutefois modifiĂ©s.
Ceci est notamment le cas des dispositions relatives Ă la pĂ©riode dâessai, dont les durĂ©es sont mises en cohĂ©rence avec les dispositions lĂ©gales. Le rĂ©gime des dĂ©lais de prĂ©venance est Ă©galement simplifiĂ©, avec lâinstauration de durĂ©es de dĂ©lais de prĂ©venance fixes en cas de rupture de lâessai Ă lâinitiative de lâemployeur et plafonnĂ©es Ă 6 semaines.
A noter enfin que pour faciliter la transition, un tableau de passage entre lâancienne numĂ©rotation et la nouvelle a Ă©tĂ© mis Ă disposition en ligne sur le site de la FĂ©dĂ©ration SYNTEC.
Le vendredi 16 septembre, lâĂ©quipe du GIE QuintĂšs Social a dispensĂ© une formation Ă lâĂ©quipe du mandataire judiciaire de la SELARL JEROME ALLAIS sur la thĂ©matique du licenciement pour motif Ă©conomique en pĂ©riode de Liquidation judiciaire.
La SELARL JEROME ALLAIS est une société de mandataire judiciaire.
Les Ă©quipes ont pu se retrouver au Domaine du Baron de lâEcluse, situĂ© Ă Saint-Lager, sur le Mont Brouilly et au cĆur du Beaujolais.
La formation sâest divisĂ©e en 2 parties.
Une premiÚre phase Conseil présentée par Maßtre Camille AGRAPART et Maßtre Claire BUFFIN-CHAMPIN a mis en avant les particularités procédurales du licenciement économique en phase de liquidation judiciaire.
Une phase Contentieuse, prĂ©sentĂ©e par MaĂźtre Marie-SolĂšne DEGHILAGE et MaĂźtre Sylvain FLICOTEAUX a suivi, axĂ©e sur les principaux risques contentieux et la gestion des dossiers prudâhomaux post liquidation judiciaire.
Enfin, la formation sâest terminĂ©e par une visite dĂ©couverte du domaine, ainsi quâune dĂ©gustation de ses diffĂ©rents crus, animĂ©e par le propriĂ©taire, Monsieur Jean-François PĂ©gaz.
Rappels
La loi n°2020-734 du 17 juin 2020, relative Ă diverses dispositions liĂ©es Ă la crise sanitaire, a instaurĂ© lâobligation de maintien de certaines garanties de protection sociale complĂ©mentaire pour les salariĂ©s placĂ©s en activitĂ© partielle ou activitĂ© partielle de longue durĂ©e. Initialement, cette obligation Ă©tait applicable jusquâau 30 juin 2021.
Une instruction ministérielle en date du 17 juin 2021 est venue pérenniser cette rÚgle.
DĂ©sormais, les garanties des rĂ©gimes santĂ© et prĂ©voyance doivent ĂȘtre maintenues par lâemployeur aux salariĂ©s dont le contrat de travail est suspendu et qui perçoivent un revenu de remplacement (salariĂ©s placĂ©s en activitĂ© partielle ou en activitĂ© partielle de longue durĂ©e, salariĂ© en congĂ© de reclassement, congĂ© de mobilitĂ©, etc.).
Les garanties de retraite supplémentaire ne sont quant à elle pas concernées par cette obligation de maintien.
Les entreprises doivent donc se conformer Ă cette nouvelle obligation et mettre Ă jour les actes fondateurs des rĂ©gime santĂ© et prĂ©voyance, en parallĂšle de la mise en conformitĂ© de leur contrat collectif par lâorganisme dâassurance.
Mise en conformité des décisions unilatérales avant le 1er juillet 2022
Des dĂ©lais de mise en conformitĂ© ont Ă©tĂ© prĂ©vus par lâinstruction ministĂ©rielle. Ils diffĂšrent selon la nature de lâacte fondateur du rĂ©gime :
En lâabsence de mise en conformitĂ© des actes fondateurs des rĂ©gimes dans les dĂ©lais impartis, le caractĂšre collectif des garanties et lâexonĂ©ration des charges sociales pourront ĂȘtre remis en cause.
En bref. La clause de non-concurrence post-contractuelle, est celle par laquelle une personne sâengage Ă ne pas exercer dâactivitĂ© professionnelle susceptible de concurrencer celle de lâautre partie et ce postĂ©rieurement au terme du contrat qui les lie. Le recours Ă une telle clause est dĂ©sormais de plus en plus courant et il est usuel de la voir intĂ©grĂ©e dans un contrat de travail, dans des statuts ou dans un pacte dâassociĂ©.
Quâen est-il toutefois lorsque lâactionnaire qui sâengage est Ă©galement, en parallĂšle, salariĂ© de lâentreprise ?
Câest Ă cette question quâa rĂ©cemment rĂ©pondu la Cour dâAppel de PARIS, contribuant ainsi Ă conforter le courant jurisprudentiel qui sâĂ©tait dĂ©gagĂ© jusquâalors (CA, Paris, 21 octobre 2021, n°18/21284).
« DĂšs lors que M. A... Ă©tait Ă©galement salariĂ© de la sociĂ©tĂ© il convient de vĂ©rifier que la clause de non concurrence a bien une contrepartie financiĂšre. Sa qualitĂ© d'actionnaire n'est pas de nature Ă faire Ă©chapper la clause Ă cette exigence quand bien mĂȘme les faits de concurrence dĂ©loyale Ă©voquĂ©s par la sociĂ©tĂ© Ysance Ă l'appui de ses prĂ©tentions sont tous antĂ©rieurs Ă son dĂ©part de la sociĂ©tĂ©, tant en qualitĂ© de salariĂ© que d'actionnaires et relĂšvent essentiellement d'une violation de son obligation de loyautĂ©. »
Sur ce point, la Cour dâappel prĂ©cise Ă©galement que le fait de pouvoir acquĂ©rir des actions en cas de dĂ©part dâun coassociĂ© et de bĂ©nĂ©ficier de lâaugmentation de sa valeur constituent des avantages essentiellement liĂ©s Ă la qualitĂ© dâactionnaire et ne peuvent ĂȘtre qualifiĂ©s de contrepartie financiĂšre.
Autrement dit, la clause de non-concurrence, contenue dans un pacte dâactionnaire lequel nâa, par principe, vocation quâĂ organiser et encadrer les relations entre associĂ©s, doit contenir une contrepartie financiĂšre rĂ©elle et significative dĂšs lors que son signataire Ă©tait Ă©galement salariĂ© de la SociĂ©tĂ© quâil sâest interdit de concurrencer.
Encore faudra-il que lâassociĂ© ait Ă©tĂ© salariĂ© au jour de la souscription de son engagement de non-concurrence (Cass. Com, 8 octobre 2013, n°12-25.984 ; CA, Paris, 1er dĂ©c. 2020, n°19/00030)
En pratique. Une attention particuliĂšre devra donc ĂȘtre portĂ©e sur la rĂ©daction dâun engagement de non-concurrence entre associĂ©s lequel ne peut pas, dans la mesure oĂč lâintĂ©ressĂ© serait dĂ©jĂ salariĂ© de lâentreprise, contourner lâobligation de prĂ©voir une contrepartie financiĂšre.
Ce dâautant plus si le pacte prĂ©voit Ă©galement un rachat forcĂ© des actions sur le fondement dâune violation de ladite clause, au risque de voir prononcer un rĂ©tablissement de lâassociĂ© dans ses droits dâactionnaires.
Les ordonnances Macron, ainsi que les dĂ©cisions judiciaires intervenues en France et Ă lâĂ©tranger concernant les plateformes de mise en relation type UBER, interrogent sur le point de savoir si ces modĂšles Ă©conomiques doivent nĂ©cessairement ĂȘtre apprĂ©hendĂ©s sous le prisme du droit du travail.
Le dĂ©bat de lâubĂ©risation face au droit du travail fait face Ă plusieurs difficultĂ©s, notamment :
Enfin, il faut rappeler quâen droit Français, le lien de subordination juridique, qui est le critĂšre dĂ©terminant du contrat de travail, est depuis longtemps plus intense que la situation de dĂ©pendance Ă©conomique qui constitue un simple indice.
Si bien que, le constat selon lequel certains travailleurs indĂ©pendants se trouveraient sous la dĂ©pendance Ă©conomique dâune plateforme numĂ©rique ou dâun donneur dâordres, ne suffit pas Ă traiter la situation sous lâangle de la requalification en contrat de travail, mais pose plutĂŽt la question de savoir de quelle protection sociale ces travailleurs pourraientâils bĂ©nĂ©ficier ?
UBERISATION ET RISQUE DE REQUALIFICATION EN CONTRAT DE TRAVAIL
La requalification en contrat de travail est prononcĂ©e par les juges lorsquâune prestation est exercĂ©e contre rĂ©munĂ©ration sous un lien de subordination juridique, câest-Ă -dire « sous l'autoritĂ© d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrĂŽler l'exĂ©cution et de sanctionner les manquements de son subordonnĂ© ».
Le critĂšre de subordination juridique a Ă©voluĂ©, allant jusquâĂ reconnaĂźtre la qualitĂ© de salariĂ©s aux participants dâĂ©missions de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ© (Ile de la tentation, Koh Lanta). La Cour de Cassation prĂ©cisait alors que « DĂšs lors quâelle est exĂ©cutĂ©e non pas Ă titre privĂ©, mais dans un lien de subordination, pour le compte et dans lâintĂ©rĂȘt dâun tiers, en vue de la production dâun bien ayant une valeur Ă©conomique, lâactivitĂ©, quelle quâelle soit [âŠ] est une prestation de travail soumise au droit du travail ».
Il y a donc une évolution de la définition du contrat de travail pour tenir compte de la finalité économique de la prestation.
En outre, dans les arrĂȘts rĂ©cents concernant des travailleurs indĂ©pendants, le lien de subordination nâest pas tant dictĂ© par lâexercice dâun pouvoir hiĂ©rarchique que par la facultĂ© du donneur dâordres de dĂ©finir le cadre de travail et lâorganisation dans lequel il doit sâinscrire. Si bien que la qualification de contrat de travail est dĂ©sormais plus proche du service organisĂ© dans lequel le travailleur est contraint de sâinsĂ©rer, que dâune subordination pure et simple.
Ainsi, la finalitĂ© Ă©conomique et la maĂźtrise des conditions dâexĂ©cution du travail semblent devenir le prisme de la requalification en contrat de travail et lâon pourrait craindre des requalifications en masse, que certains appellent dâailleurs de leurs vĆux.
Or, la question de la requalification en contrat de travail devrait rester un simple garde-fou permettant de redonner leur véritable sens à des relations qui ont été volontairement extraites du salariat, pour le contourner, sans faire de ce mécanisme un combat idéologique.
Dâailleurs, les dĂ©cisions concernant des autoentrepreneurs, dont la relation a Ă©tĂ© requalifiĂ©e en contrat de travail, ne sont pas si nombreuses. Sâagissant plus spĂ©cifiquement des plateformes de mise en relation, UBER a pu faire lâobjet Ă lâĂ©tranger de requalifications (le 17 juin 2017 en Californie, le 28 octobre 2016 Ă Londres), tout comme ce fut le cas pour un chauffeur de la sociĂ©tĂ© Le Cab au mois de dĂ©cembre 2016 en France. Mais dâautres dĂ©cisions ont niĂ© cette qualitĂ©, par exemple Ă un partenaire de la sociĂ©tĂ© Take Eat Easy (Cour dâAppel de PARIS le 20 avril 2017), ce qui a Ă©tĂ© confirmĂ© rĂ©cemment.
Comme par le passĂ©, câest un exercice pragmatique du cas par cas : en fonction des indices relevĂ©s, le juge requalifie ou non des situations qui de prime abord apparaissent pourtant proches.
Rien de plus normal au demeurant : la nĂ©cessitĂ© de protection nâest pas forcĂ©ment la mĂȘme pour un travailleur indĂ©pendant que pour un salariĂ©, ni identique entre chacun des travailleurs indĂ©pendants ou chacune des entreprises de lâĂ©conomie numĂ©rique.
VERS DES GARANTIES MINIMALES
DĂšs lors que la requalification doit uniquement rester un garde-fou, les travailleurs de lâĂ©conomie numĂ©rique, Ă priori indĂ©pendants, ne doivent pas ĂȘtre systĂ©matiquement observĂ©s sous le prisme du droit du travail. En revanche, le dĂ©veloppement de cette Ă©conomie appelle Ă redĂ©finir la notion de travailleur, lequel nâest pas forcĂ©ment salariĂ©, mais peut en revanche avoir besoin de mĂ©canismes de protections collective (par exemple en raison dâune certaine dĂ©pendance Ă©conomique, etc.).
Il a ainsi Ă©tĂ© proposĂ© de crĂ©er un « droit de lâactivitĂ© professionnelle dĂ©passant celui du travail et matĂ©rialisant un socle de droits fondamentaux applicable Ă tous les travailleurs, les diffĂ©rences de niveau de protection au-delĂ venant du degrĂ© dâautonomie » (Jacques BarthĂ©lĂ©my et Gilbert). Monsieur SUPIOT a pour sa part formĂ© une proposition Ă lâimage de cercles concentriques, en fonction du degrĂ© de protection accordĂ© au travailleur, la protection ultime Ă©tant celle du salariat.
La crĂ©ation du compte personnel dâactivitĂ© sâinscrit dans ce mouvement, tout comme la responsabilitĂ© sociale des plateformes créée par la Loi El Khomri (Article L 7341-1 et suivants du Code du Travail) qui créée des droits pour les travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie Ă©lectronique et des obligations pendantes pour lesdites plateformes.
En crĂ©ant un rĂ©gime spĂ©cifique, la volontĂ© du lĂ©gislateur est clairement dâĂ©loigner cette relation de la tentative de vouloir systĂ©matiquement lui appliquer le prisme salarial, pour affirmer son autonomie, son existence Ă part entiĂšre et pour ne rĂ©server lâapplication du droit du travail quâaux seuls cas de requalifications, câest-Ă -dire de contournement. Bref, câest lâoffice du Juge qui sâen trouve renforcĂ© et câest aussi une certaine justice sociale.
La suppression du RSI au profit du rĂ©gime gĂ©nĂ©ral participera peut-ĂȘtre de cette tendance.
Un Ă©quilibre peut donc ĂȘtre trouvĂ© et le dĂ©fi posĂ© par lâubĂ©risation nâest donc pas tant la remise en cause du droit du travail, quâune rĂ©flexion sur les modes de travail et la protection sociale des travailleurs salariĂ©s ou non-salariĂ©s. Il faut espĂ©rer quâune rĂ©flexion globale et cohĂ©rente interviendra pour Ă©viter un millefeuille de mesurettes.
Cet article a été rédigé en tant que membre de la Commission Droit Social du Barreau de Lyon.
Un « condensĂ© » de cet article a Ă©tĂ© publiĂ© dans lâhebdomadaire LE TOUT LYON, n° 5278, du 7 octobre 2017
http://www.delmas-flicoteaux.com/item/26-le-droit-du-travail-doit-il-evoluer-face-a-l-uberisation
Cass. Soc. 15 mai 2019, n°17-20.615
EXPOSE DES FAITS
Un salariĂ©, embauchĂ© le 1er octobre 2010, en qualitĂ© de Directeur GĂ©nĂ©ral, Statut Cadre dirigeant, et rattachĂ© hiĂ©rarchiquement directement au PDG de lâentreprise, est licenciĂ© le 6 dĂ©cembre 2011 pour faute grave.
En substance, le salariĂ© se voyait reprocher des divergences frĂ©quentes et affichĂ©es sur les enjeux stratĂ©giques, un dĂ©nigrement public de la direction, tout particuliĂšrement dans le cadre dâun document de travail remis Ă un consultant extĂ©rieur, et dont il dĂ©coulait pour la sociĂ©tĂ© une dĂ©loyautĂ©, perte de confiance et intention de nuire. La sociĂ©tĂ© mettait notamment en exergue les fonctions et la position particuliĂšre du salariĂ©, qui se devait donc dâĂȘtre le soutien et le relais de la direction et de mettre en Ćuvre la politique dĂ©finie par celle-ci. En tant que membre du comitĂ© de direction, il se trouvait astreint Ă une obligation de loyautĂ© renforcĂ©e.
Le salariĂ© estimait pour sa part nâavoir fait quâusage que de sa libertĂ© dâexpression, en dehors de tout exercice abusif, nâayant notamment jamais diffusĂ© un certain nombre des documents trouvĂ©s dans son ordinateur et sur lesquels lâemployeur se fondait.
Par jugement du Conseil de prudâhommes de Lyon du 17 dĂ©cembre 2015, confirmĂ© par la Cour dâappel de Lyon dans un arrĂȘt du 5 mai 2017, les juges du fonds retiennent le bien fondĂ© du licenciement du salariĂ©, relevant le caractĂšre public et excessif de lâexpression de ses divergences de vues avec son PDG.
Ce raisonnement nâest pas suivi par la Cour de Cassation, qui dans un arrĂȘt du 15 mai 2019, casse lâarrĂȘt de la Cour dâappel de Lyon au motif que « le document remis par le salariĂ© au consultant, qui Ă©tait chargĂ© de mener une rĂ©flexion sur la stratĂ©gie du groupe et d'interroger les cadres, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, et que les autres documents retrouvĂ©s dans l'ordinateur n'avaient pas fait l'objet d'une diffusion publique ».
OBSERVATIONS
LâarrĂȘt commentĂ© est intĂ©ressant en ce quâil pose une nouvelle fois la question de lâobligation de rĂ©serve des cadres dirigeants. La nature de leur fonction et la protection des intĂ©rĂȘts lĂ©gitimes de lâentreprise justifient-elles une restriction apportĂ©e Ă leur libertĂ© dâexpression, au sens de lâarticle L 1121-1 du Code du travail ?
Les cadres de direction, Ă lâinstar de tout salariĂ©, bĂ©nĂ©ficient, dans et hors de lâentreprise, dâune libertĂ© dâexpression qui ne trouve sa limite que dans lâabus (Cass. Soc. 29 nov. 2006, n°04.48-012). De jurisprudence constante, lâabus est caractĂ©risĂ© lorsque les termes utilisĂ©s par le salariĂ© sont injurieux, diffamatoires ou excessifs. En pratique, les juges se livrent Ă une apprĂ©ciation au cas par cas, au regard notamment de la teneur des propos tenus, de leur degrĂ© de diffusion, de la nature de lâactivitĂ© de lâentreprise mais Ă©galement des fonctions occupĂ©es par le salariĂ©.
Ainsi, la jurisprudence se montre-t-elle par principe plus sĂ©vĂšre Ă lâĂ©gard des cadres que des autres collaborateurs. Pour autant, de lâexamen de la jurisprudence, il est difficile de dĂ©finir une vĂ©ritable ligne de conduite en la matiĂšre.
Sâil est fort comprĂ©hensible que, au regard du pouvoir de nuisance de leurs propos sur leur efficacitĂ© et lâimage de lâentreprise, les directions attendent de leurs Ă©quipes dirigeantes, dont elles sont le reflet, quâelles portent leur politique et leur ligne stratĂ©gique, tant en interne quâen externe, la jurisprudence, Ă©loignĂ©e de cette contrainte, tend au contraire Ă protĂ©ger en premier lieu la libertĂ© de tout salariĂ© Ă sâexprimer sur les choix stratĂ©giques de leur entreprise et Ă dĂ©noncer tout Ă©ventuel dysfonctionnement.
Ainsi, lâarrĂȘt du 15 mai 2019 sâinscrit-il dans la ligne de prĂ©cĂ©dents arrĂȘt rendus par la Cour de Cassation (Cass. Soc. 27 mars 2013, n°11-19.734 ; Cass. Soc. 23 septembre 2015, n°14-14.021), et dans le cadre desquels la haute juridiction avait dĂ©jĂ refusĂ© de valider le licenciement de cadres en lâabsence de caractĂ©risation par lâemployeur de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, nonobstant le fondement tenant au manquement Ă lâobligation de loyautĂ© sur lequel celui-ci avait tentĂ© de se placer. Câest ce mĂȘme terrain et celui du dĂ©nigrement qui sont ici Ă©cartĂ©s par la Cour, au profit de la libertĂ© fondamentale dâexpression du salariĂ©.
Les entreprises disposent-elles alors de moyens juridiques pour se prĂ©munir des dĂ©bordements de leurs cadres qui, sâils ne sont pas abusifs au sens de la jurisprudence, sont vĂ©ritablement susceptibles de leur nuire ? La question reste entiĂšre.
LâarrĂȘt commentĂ© prĂ©sente un second intĂ©rĂȘt, soulevĂ© dans le second moyen au pourvoi principal du salariĂ©.
En application de son contrat de travail, le salariĂ© pouvait prĂ©tendre, Ă une rĂ©munĂ©ration variable, dĂ©terminĂ©e en fonction notamment dâobjectifs personnels fixĂ©s au dĂ©but de chaque annĂ©e par la direction. Or, lorsque le salariĂ© Ă©tait licenciĂ© en dĂ©cembre 2011, aucun objectif prĂ©cis ne lui avait Ă©tĂ© fixĂ© Ă cette date.
Constatant ce manquement par la sociĂ©tĂ© Ă son obligation contractuelle, le Conseil de prudâhommes de Lyon, dans un raisonnement inĂ©dit, et suivi en cela par la Cour dâappel de Lyon, octroie alors au salariĂ© une somme, Ă titre de dommages et intĂ©rĂȘts, en raison du prĂ©judice quâil subissait du fait de la perte de chance pour lui dâamĂ©liorer sa rĂ©munĂ©ration.
Dans son arrĂȘt du 15 mai 2019, la Cour de Cassation, appliquant sa jurisprudence constante, casse lâarrĂȘt dâappel sur ce point, en retenant que, en lâabsence de fixation des objectifs, il appartenait au juge de fixer le montant de la rĂ©munĂ©ration variable en fonction des critĂšres visĂ©s au contrat et des accords intervenus les annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, et, Ă dĂ©faut, des donnĂ©es de la cause. Il sâagissait alors bien pour le salariĂ© dâun rappel de rĂ©munĂ©ration due, et non de lâindemnisation dâun prĂ©judice.
PRINCIPAUX ATTENDUS
« Attendu que pour dire le licenciement fondĂ© sur une faute grave, l'arrĂȘt retient qu'Ă compter du mois de mars 2011, il apparaĂźt que le salariĂ© a, lors des comitĂ©s de direction et des comitĂ©s exĂ©cutifs auxquels il participait, affichĂ© une divergence frĂ©quente avec les enjeux stratĂ©giques, que cette position affichĂ©e de divergence est ainsi exprimĂ©e dans un document de travail que le salariĂ© a remis au consultant dĂ©signĂ© par la direction pour mener un sĂ©minaire de rĂ©flexion stratĂ©gique et qui a, dans ce cadre, interviewĂ© les cadres de la sociĂ©tĂ©, que l'attestation du consultant confirme que ce document, remis par le salariĂ© spontanĂ©ment, expose de maniĂšre trĂšs nette la position nĂ©gative de ce dernier sur la stratĂ©gie menĂ©e, qu'il devait pourtant soutenir de par ses fonctions, ainsi que les termes excessifs tenus Ă l'encontre du PDG en ces termes « Un PDG en mode panique », « une Ă©quipe de direction qui ne comprend plus son PDG », qu'il importe peu que le consultant ait Ă©tĂ© ou non tenu Ă la confidentialitĂ©, qu'il n'en reste pas moins qu'en lui remettant ce document de travail, le salariĂ© a exprimĂ© publiquement et de maniĂšre excessive ses divergences avec son PDG alors qu'il Ă©tait pourtant tenu Ă son endroit Ă une obligation de loyautĂ©, que si les autres documents retrouvĂ©s dans son ordinateur et allĂ©guĂ©s par l'employeur Ă l'appui de la mesure de licenciement n'ont pas fait l'objet de diffusion publique, tel le projet de mail Ă un actionnaire de la sociĂ©tĂ© Eurocave (sociĂ©tĂ© Qualis) ou la lettre anonyme dans laquelle le salariĂ©, se prĂ©sentant comme un employĂ© de la sociĂ©tĂ©, critique les dĂ©cisions prises par la direction, indiquant en outre qu'elles sont contraires Ă l'opinion de « plusieurs personnes de la direction » ou encore le courriel adressĂ© Ă Mme G..., dans laquelle il indique que le PDG « est visiblement reparti sur une paranoĂŻa aigĂŒe », il n'en reste pas moins que ces Ă©crits, dont le salariĂ© ne nie pas ĂȘtre l'auteur, confirment clairement sa divergence profonde envers sa direction, que sur ce point, les attestations produites par le salariĂ© et Ă©manant de plusieurs collĂšgues, membres ou non du comitĂ© exĂ©cutif ne permettent pas de retenir que les divergences exprimĂ©es n'avaient pas de caractĂšre excessif, que s'agissant des propos dĂ©nigrants envers le PDG, l'employeur produit la seule attestation du consultant qui rapporte que le salariĂ© a tenu des propos virulents Ă l'encontre du PDG fin novembre 2011, que toutefois ces propos dont la teneur exacte n'est pas rapportĂ©e ont Ă©tĂ© tenus alors que la procĂ©dure de licenciement avait Ă©tĂ© lancĂ©e et ne peuvent donc ĂȘtre invoquĂ©s comme cause de celui-ci, qu'il rĂ©sulte des Ă©lĂ©ments produits aux dĂ©bats que le jugement entrepris doit ĂȘtre confirmĂ© en ce qu'il a dit que le licenciement Ă©tait bien fondĂ© sur une faute grave ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le document remis par le salarié au consultant, qui était chargé de mener une réflexion sur la stratégie du groupe et d'interroger les cadres, ne comportait pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs, et que les autres documents retrouvés dans l'ordinateur n'avaient pas fait l'objet d'une diffusion publique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »
« Attendu que pour condamner la sociĂ©tĂ© Ă payer au salariĂ© une certaine somme Ă titre de dommages-intĂ©rĂȘts pour manquement Ă l'obligation contractuelle de fixer les objectifs permettant le calcul de la rĂ©munĂ©ration variable pour 2011, l'arrĂȘt retient que dĂ©but janvier 2011, l'employeur a fait connaĂźtre Ă l'ensemble des cadres des objectifs Ă atteindre Ă laquelle Ă©tait annexĂ© un tableau reprenant les objectifs individuels et indiquant qu'il convenait d'en discuter afin d'affiner les chiffres, que si aucun document ne permet de confirmer que le salariĂ© a validĂ© ces chiffres, il n'apparaĂźt pas qu'il les ait contestĂ©s, qu'ayant Ă©tĂ© licenciĂ© dĂ©but dĂ©cembre 2011 il aurait donc dĂ» Ă cette date connaĂźtre les Ă©lĂ©ments chiffrĂ©s concernant l'EBIT comme les objectifs atteints aux fins que soit calculĂ©e la prime d'objectifs Ă laquelle il a contractuellement droit, qu'en ne le faisant pas, et sans pouvoir lui reprocher sa carence dans l'administration de la preuve alors qu'il s'agit d'Ă©lĂ©ments comptables qu'elle seule dĂ©tient, la sociĂ©tĂ© a manquĂ© Ă son obligation contractuellement prĂ©vue et a privĂ© le salariĂ© d'une chance d'amĂ©liorer sa rĂ©munĂ©ration, lui causant ainsi un prĂ©judice certain qui sera rĂ©parĂ© par l'allocation d'une somme de 17 500 euros Ă titre de dommages-intĂ©rĂȘts ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de fixation des objectifs, il lui appartenait de fixer le montant de la rémunération variable pour l'exercice 2011 en fonction des critÚres visés au contrat de travail et des accords conclus les années précédentes, et, à défaut, des données de la cause, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; »
Cass. Soc. 15 mai 2019, n°17-20.615
Claire BUFFIN-CHAMPIN & Sylvain FLICOTEAUX
SELARL DELMAS FLICOTEAUX